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L’inflation des contraintes pousserait 51% des médecins de plus de 50 ans à quitter le métier
26/06/2015 - 03:20
Photo: Shutterstock

L’inflation des contraintes, des contrôles, des restrictions budgétaires, des tâches administratives imposées et non rémunérées, tout cela au détriment des soins au patient, conduisent de plus en plus de médecins à envisager un changement d’activité ou un départ prématuré à la retraite.

L’obligation du Tiers Payant, l’imposition de l’informatique dans tous les domaines ne sont-ils pas en train de précipiter les choses ? C’est ce que MediPlanet a voulu savoir en lançant il y a quelques jours une enquête chez ses lecteurs.

Dès le lancement de l’enquête, les réponses ont afflué et confirment ce qu’on présentait. Le ras-le-bol est général et même au-delà de ce qu’on imaginait.

A la question « Envisagez-vous de cesser votre pratique pour une autre activité ? » 24 % des répondants ont répondu par l’affirmative. (27% du côté wallon, 20% en Flandre et 25% à Bruxelles) Ils sont plus de 35% dans la classe d’âge des 30 à 49 ans !

A la question « Envisagez-vous de cesser votre pratique pour une retraite anticipée ? » c’est 51 % des médecins qui répondent oui ! (46% en Wallonie, 52% en région bruxelloise et 55% du côté flamand) Avec un pic à 57% chez les 60 ans et plus. On remarquera aussi une prédominance chez les hommes (52%) par rapport aux femmes (46%).

Les médecins ne se cachent plus, ils fuient un métier auquel ils avaient pourtant tout consacré : leur passion, leur dévouement, leur compétence, leur altruisme…

En sacrifiant souvent leur vie, leur famille, leurs loisirs. Les plus âgés envisagent la retraite. Des plus jeunes envisagent une activité en dehors de la sécurité sociale. Et ceux qui ne le peuvent pas, regrettent amèrement de ne plus avoir d’autre choix.

A la question « Vous sentez-vous obligé de poursuivre votre pratique parce que vous n’avez pas les moyens de mettre fin à votre activité ? » ils sont 56 % à répondre par l’affirmative ! (63% du côté francophone contre 50 % du côté néerlandophone).

L’informatisation pour tout, la récolte des données, le mépris de l’éthique médicale, le rationnement vis-à-vis des patients lourds ou âgés, l’autoritarisme qui pèse sur les accords, le Tiers Payant obligatoire sont quelques exemples des contraintes et frustrations ressentis que les médecins nous ont révélés (voir la liste).

Ce sont autant de gouttes d’eau qui font déborder le vase. Et autant de signaux clairs envoyés vers les syndicats médicaux, vers le politique.

Pour Roland Lemye, vice-président de l’ABSyM, « Faire fuir la profession au moment où beaucoup dénoncent une pénurie, la décourager, la déconsidérer au moment où, bien seule dans la société, elle soutient les valeurs de l’humanité et de l’individu ainsi que l’avenir de notre planète est un crime impardonnable que rien ne justifie même pas les difficultés budgétaires. » « Qu’un quart (au total) des médecins envisagent de cesser leur pratique pour une autre activité devrait interpeller nos décideurs politiques qu’apparemment rien n’émeut.» poursuit-il. « S’émouvront-ils cependant en découvrant que la moitié des médecins plus âgés sont disposés à partir pour une retraite anticipée ? Dans cette période de pénurie, tous ces départs  auront évidemment un impact négatif. » (Lire l’intégralité de la réaction)

Pour Paul Vollemaere, Secrétaire général du GBO-Cartel, « Cette enquête confirme ce que j'avais déjà perçu en différents endroits (membres, FAG,associations, glem, forums,...). Il était utile de le chiffrer, pour que le Politique et les divers responsables au sein des mutuelles et de l'administration puissent saisir l'impact sur l'attractivité de la profession par ces mesures à marche forcée. Les mises en garde émises par vos syndicalistes ne sont pas assez écoutées et entendues au sein des diverses commissions. » regrette-t –il. « L'accessibilité aux soins est devenu un vrai problème pour nombre de nos concitoyens, le TPS obligatoire n'en est qu'une réponse tronquées et maladroite: à quoi cela sert-il de pouvoir consulter son MG tous les jours pour 1 €, si on ne sait pas payer ses médicaments, les examens, les avis spécialisés prescrits ou les soins de kiné prescrits, etc. » « L'imposition du TPS et l'informatisation à marche forcée risque d'aggraver les problèmes d'attractivité et de pénuries, ce qui est un dommage collatéral non souhaitable; les décideurs vont devoir en tenir compte urgemment. » conclu le Secrétaire Général du GBO-Cartel. (Lire l’intégralité de la réaction)

Même constatation chez Marc Moens, Vice-Président de l’ABSyM et Secrétaire Général du GBS « Il ressort de l’enquête que l’application obligatoire du tiers payant (TPO) et l’exigence imposant de travailler avec un dossier médical électronique d’ici juillet 2017 constituent toutes deux l’une des principales raisons pour lesquelles de nombreux médecins quitteront la profession de manière précoce. » « À maintes reprises, l’ABSyM a tiré la sonnette d’alarme auprès de la Ministre et de l’INAMI mais elle n’y a trouvé aucun écho. “Computerisierung muss sein”, tel est le crédo de l’INAMI, il n’en démordra pas. Lorsqu’il est question d’interruption précoce de l’activité médicale, le stress que cause aux médecins cette informatisation est, selon l’enquête, une des raisons les plus souvent citées: nombreux sont les médecins qui nourrissent des doutes quant à la solidité de leurs logiciels qui doivent en permanence être adaptés car les règles INAMI font trop fréquemment l’objet d’amendements. Les fournisseurs de logiciels font de leur mieux mais ne disposent généralement pas d’assez de temps pour offrir toutes ces nouvelles règles dans des logiciels qui doivent rester conviviaux. » (Lire l’intégralité de la réaction)

Concernant l’informatisation la réponse du cabinet de Maggie De Block reste prudente : « Nous sommes conscients qu'il y a eu des maladies d'enfance. Mais dans l’accord du gouvernement il est bien prévu qu’ une des priorités du gouvernement consistera à diminuer les charges administratives des prestataires de soins et en particulier des médecins, notamment par la poursuite de l’implémentation du système MyCareNet. Pour la fin de la législature, les contacts administratifs entre les organismes assureurs et les médecins seront sensiblement simplifiés pour ce qui concerne le traitement des demandes administratives (médicaments, trajet de soins, …) et de la facturation électronique. » La législation dure 5 ans et nous sommes au 9ième mois. Nous voilà donc prévenu !

Pour Maxime Prévot, Ministre de la Santé au Gouvernement Wallon « Les chiffres de cette enquête ne me surprennent pas. Je suis bien conscient que nous sommes face à une pyramide des âges dans la profession conjuguée à un départ prématuré important. C’est pourquoi l’organisation de la première ligne est un enjeu essentiel. Il s’agit, bien-sûr, de l’accessibilité au médecin de famille pour les citoyens mais aussi à la possibilité d’être pris en charge de manière adéquate rapidement et en confiance. Ce sont donc autant les médecins, que les infirmiers, les pharmaciens, les para-médicaux, etc… qui sont concernés par la réflexion à mener.  Par ailleurs, une bonne articulation avec le niveau fédéral, l’enseignement supérieur, et la Wallonie sont indispensables. En effet, la fonction du médecin généraliste est au cœur de notre système de soins de santé. Il faut lui rendre sa juste et pleine place, déjà et dès l’entame du cursus de formation médicale. »

Du côté de la Région Bruxelloise, Martine Payfa, députée FDF et Présidente de la Commission Santé au Parlement francophone Bruxellois se sent interpellée :"L'étude mentionnée met en évidence une situation véritablement interpellante quant à l'avenir de la prise en charge de la santé des citoyens en Wallonie et à Bruxelles. Au vu de cet état des lieux catastrophique, il est urgent que les responsables politiques tant au fédéral qu'au niveau des Régions se mobilisent pour actualiser au plus vite le cadastre des médecins (et des numéros INAMI) et pour affecter des moyens financiers suffisants au développement de formations continues afin de permettre aux médecins et pharmaciens de s'adapter aux nouvelles contraintes administratives et informatiques."

On l’aura compris, l’enquête de MediPlanet, même si comme tout sondage elle a ses limites,  aura eu le mérite de donner la parole aux médecins et d’envoyer un signal clair aux syndicats et aux politiques. Aux décideurs d’en tenir compte…ou pas !

>Le débat continue ici

Lire l’intégralité de la réaction de Roland Lemye

Lire l’intégralité de la réaction de Paul Vollemaere

Lire l’intégralité de la réaction de Marc Moens