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Tribune Libre : les étudiants en médecine une fois de plus exposés à l’incohérence ( Dr. J.J Rombouts)
05/08/2016 - 04:20

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Après avoir lu les contributions de Quentin Lamelyn, président du CIUM (Mediplanet 05/08/2016), de Mathias Cleys, président du Vlaams Geneeskundig studentenoverleg (MediQuality 05/08/2016) et après que le député Vercammen et que le père Delhez se soient également exprimés dans les médias, j’estime de mon devoir, en tant qu’acteur « historique » (ancien doyen de la faculté de médecine de l’UCL) d’exprimer un point de vue qui prenne en compte le passé.

Le « toelatingsexamen » a été mis en place en Communauté flamande en 1997, il y aura donc bientôt 20 ans. Ce fut le terme d’une longue réflexion à laquelle j’ai participé en tant que président de l’Ecole de Médecine de l’UCL. L’objectif principal était d’améliorer le niveau de base des étudiants entrants  de façon à dégager les études  médicales de la remise à niveau en sciences pour consacrer plus de temps à la formation humaine et sociétale des futurs médecins. Pour arriver à ce but, il a été choisi de proposer un examen d’entrée comme cela se pratiquait en ingénieur. Il s’agissait jusqu’à présent d’un examen (contrôle de niveau) et non d’un concours. Cette mesure a été juridiquement solide (seule une partie de l’épreuve de 1997 a été annulée par voie juridique) et elle a porté ses fruits : en quelques années, le taux d’échec en première année de médecine est tombé sous les 20%, puis sous les 15%. Les cohortes d’étudiants ont été délestées des étudiants en décrochage et la formation a été améliorée, comme cela avait été souhaité, permettant une formation médicale de base de qualité en 6 années.

L’objectif de l’examen d’entrée n’était pas, au départ, de limiter le nombre de médecins mais bien de sélectionner les étudiants de façon à optimaliser la formation des futurs médecins.

L’arrêté royal relatif à la planification de l’offre médicale a été pris le 29 août 1997, il sera abrogé et remplacé par un nouvel arrêté du 30 mai 2002 et publié au Moniteur Belge le 14 juin 2002. Il y a eu des adaptations ultérieures en 2007 et  2008, 2010, en 2012 et en 2015. Ces arrêtés fixent  le nombre de candidats qui auront accès à la formation spécialisée (en médecine générale ou en spécialité) devenue obligatoire en Europe depuis 1995. L’arrêté royal du 30 août 2015 fixe le quota de 1.230 médecins qui auront accès à un numéro INAMI en 2021. L’examen des avis de la commission de planification qui ont été à la base de ces textes successifs montre bien la difficulté de prévoir dix ans d’avance la force de travail médicale nécessaire à assurer des soins de santé de qualité en contrôlant  le budget de la santé.

Il importe de rappeler que les arrêtés royaux précités ne concernent que les candidats possédant un diplôme de fin d’études délivré par une université relevant de la compétence de la Communauté  flamande et de la compétence de la Communauté française. Il en résulte que tous les diplômés des universités européennes ont accès à la formation spécialisée en Belgique et ils n’ont pas manqué d’en profiter. Par contre, nos diplômés n’ont que difficilement accès à cette formation spécialisée dans les autres pays d’Europe car le nombre de postes de formation  est partout limité et les  processus de sélection peu accessibles à nos diplômés pour des raisons de calendrier ou d’organisation géographique.

L’application du « contingentement » a été cahotique. En Communauté flamande, le « toelatingsexamen » a permis de réguler le nombre d’étudiants et de diplômés sans respecter strictement les quotas fédéraux. En Communauté française, la recommandation de la commission sur l’optimalisation de l’accès aux études médicales n’a pas été prise en considération. Le système de sélection a d’abord été placé au terme du premier cycle des études médicales suivant le modèle nord-américain. Il a ensuite été reporté au terme de la première année avec chaque fois des recours juridiques qui ont rendu la sélection caduque. Le système actuel a été mis en place par l’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 17 juillet 2015 limite à 605 le nombre global d’attestation d’accès des étudiants de première année à la suite du programme d’étude.  C’est la troisième modalité appliquée en Communauté française avec chaque fois une inter-période sans régulation ce qui explique le grand nombre d’étudiants arrivant au terme des études avec des variations annuelles importantes. La Communauté française a échoué a mettre en place une régulation efficace du fait de la fragilité juridique des décrets qu’elle a votés : des « reçus-collés[1] » ont obtenu gain de cause devant les cours  et tribunaux.

Rappelons que le contingentement mis en place par le gouvernement fédéral en 1997 concerne l’accès à la formation spécialisée. Depuis toujours, cet accès est conditionné par le nombre de postes de formation rémunérés. En 2018, au moment où deux cohortes d’étudiants seront diplômés en même temps, le nombre de poste de formation sera très certainement le principal facteur limitant l’aspiration des étudiants à la pratique médicale de leur choix.

Le système de contingentement existant crée pour les étudiants belges une discrimination à l’échelle européenne. Dans une Europe ouverte à la libre circulation des professionnels, un grand nombre de médecins recensés en Belgique ces dernières années venaient des autres pays européens que ce soit pour y entamer une formation spécialisée ou pour s’y installer.

Récemment la médecine générale a rejoint la liste des profession en pénurie en Wallonie….C’est la conséquence, non pas d’un manque de médecins mais d’un manque d’attrait pour la médecine générale. Une fois encore, la Communauté flamande a précédé la communauté française quant à la revalorisation de cette spécialité indispensable aux soins de base et à la bonne santé de la population.

Le manque de stabilité juridique des arrêtés et décrets[2], l’absence de régulation au niveau européen, l’impossibilité de prévoir à long terme les besoins en médecins mettent les jeunes, pleins d’idéal qui entament les études en médecine et qui seront nos soignants de demain, dans un contexte incohérent où ils perçoivent que leur carrière se joue sous forme d’un bras de fer entre le régional et le fédéral et entre nos régions et communautés.

En 2014, au moment où il revenait au Ministre MARCOURT de légiférer, nous avons, avec le Conseil national de l’Ordre des médecins[3], les syndicats médicaux et d’autres recommandé de s’aligner sur le modèle qui a fait ses preuves en Flandre : ce n’est pas un concours mais une épreuve de sélection organisée préalablement aux études comportant bien sûr des questions sur les sciences de base mais également et surtout des questions de compréhension et de raisonnement. Elle doit transcender les Universités et rester ouverte aux candidats qui ne se sentent pas mûrs au terme de leurs études secondaires pour lesquels des formations préparatoires seraient organisées comme cela l’est depuis des décades pour les candidats souhaitant présenter l’épreuve d’accès aux études d’ingénieur.

La régulation de l’accès à la profession médicale est un point de tension communautaire que l’imbroglio législatif accentue. Comme l’a écrit récemment[4] notre collègue et contemporain, l’ancien doyen Elie COGAN, « la seule façon d’en sortir est d’instaurer un concours d’entée pour les études en médecine » et d’harmoniser les conditions d’accès dans les deux communautés.

[1] Les étudiants français utilisent le terme “reçu-collé”pour décrire la situation de l’étudiant qui a réussi les épreuves académiques mais est éliminé sur base d’un numerus fixus.

[2] le Conseil d’état dans son arrêt du 26 juillet 2016 critique à la fois l’arrêté fédéral du 30/08/2015 et l’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 17 juillet 2015.

[3] Avis a147017 du 13/12/2014 publié dans le Bulletin 147

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Tribune Libre : les étudiants en médecine une fois de plus...

L'idée d'un examen d'entrée est totalement anti-scientifique. Cela fait plusieurs années que je fais de la recherche dans ce domaine, plusieurs années que je démontre, littérature à l'appui que c'est le plus mauvais système de sélection, et cela fait des années que je me trouve devant un mur de la part de plusieurs médecins qui se retranchent derrière un dogmatisme affligeant. Sur le plan scientifique, ce qu'avance PaulTul (qui je pense, est un de mes anciens professeurs à Mons ;)) est tout à fait rigoureux et démontré= la réussite du bachelier et, entendez la, la réussite des matières médicales (anatomie, physiologie, biochpath) EST prédictive de la réussite de la suite du cursus. Par contre, l'examen d'entrée est incapable de définir, avant même d'avoir pu commencer le cursus, qui réussira ou non. Je vous rappelle que la réussite, c'est une dynamique qui s'acquiert tout au long des premières années. L'examen d'entrée a été démontré comme incapable de sélectionner les futurs bons médecins. Pire... certaines études (références disponibles dans l'article de Barr DA, Lancet, 2010) ont montré une relation inversément proportionnelle entre la réussite d'un examen d'entrée et la réussite finale. En effet, les étudiants performant en chimie, physique, math et biologie seraient les plus déficients en matière de qualités humaines, de communications, en gros, noncognitive skills. Enfin, une petite étude (sans stats) qu'on a effectuée à l'UMONS a récemment montré que 50% des étudiants qui ont echoué à l'examen d'entrée non contraignant, et qui ont reconnu l'avoir préparé à fond, ont réussi leur première année (système 6 ans où il y a les ex-cours de médecine de 2e) sans encombre... A réfléchir et méditer avant de défendre un système inefficace...En tant que médecin, nous nous devons de baser nos propositions sur des preuves scientifiques.  

Tribune Libre : les étudiants en médecine une fois de plus...

Merci Jean-Jacques pour cette mise au point bienvenue. 

Sans être entousiaste de ce que la Flandre a fait, il faut reconnaître que c'est assez efficace et raisonable (sur base d'une analyse détaillée que j'ai pu faire).

Ceci dit, la sélection à la fin des études de canidatures (3 premières années) n'était pas aussi mauvais que cela a été dit.  La sélection était progressive et ratonelle. En pratique, seuls les étudiants de Namur étaient défavorisés car leur quota était trop faible au regard de la qualité de leur recrutement.  Pour les autres universités, le nombre de collés/reçus en fin ds 3 premières années était très faible.  Une piste à remttre à jour ?

En tout téat de cause, il est urgent de mettre fin à cett situation cahotique actuelle qui fait honte à notre communauté/fédération francophone.